La
4ème édition des États généraux de l’Eau en Montagne organisée par
Asters, le Conservatoire d'espaces naturels de Haute-Savoie, le Fonds de
dotation "Montagne vivante" et l'Office International de l'Eau
(OIEau), fait suite aux précédentes éditions de 2002, 2006 et 2010. Elle
réitère les alertes lancées sur la nécessité d’adopter rapidement des
stratégies d’adaptation face aux effets du réchauffement du climat sur
les ressources en eau de montagne, territoires sur lesquels les grands
fleuves européens, Èbre, Danube, Pô, Rhin, Rhône, Vistule... et leurs
principaux affluents, prennent leur source. Élus locaux, représentants
des administrations, acteurs économiques, gestionnaires des territoires,
responsables associatifs, scientifiques des pays de l’Arc alpin, de
France, d’Autriche, de Suisse, d’Italie se sont réunis durant trois
jours à Megève pour confirmer les diagnostics, échanger et promouvoir
des solutions visant à transformer les contraintes sur les ressources en
eau... en véritable atout pour la montagne de demain !
Le
changement climatique ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Les
montagnes européennes sont parmi les premières victimes. La température
moyenne des Alpes a augmenté en un siècle de plus du double du
réchauffement terrestre global. Les modèles projettent une augmentation
de température dans les Alpes d’ici à 2100 comprise entre +2,6 et +3,9
°C pouvant atteindre +4,2 °C au-dessus de 1 500 mètres. Les glaciers
alpins ont déjà perdu entre 20 et 30 % de leur volume depuis 1980 et
pourraient régresser de 30 à 70 % de leur volume d’ici à 2050. Avec la
diminution de l’enneigement et la fonte des glaciers, les régimes
hydrauliques de tous les grands fleuves européens, venant des montagnes,
sont en train de se modifier. Les débits des grands fleuves européens
de régime nivo-glaciaire seront sensiblement modifiés dès les toutes
prochaines décennies: en moyenne on observerait d’ici 2100 une
augmentation de +20 % des débits en hiver, mais une réduction de -17 %
au printemps et jusqu’à -55 % des débits en été, surtout au centre et
au sud des Alpes. Le niveau des aquifères pourrait aussi baisser de -25
% dans les Alpes du Sud. Or, la régularité du débit de ces fleuves est
déterminante pour l'alimentation en eau potable des populations et pour
le développement économique des piémonts et des plaines
(hydroélectricité, navigation fluviale, irrigation, ou encore
refroidissement des centrales thermiques ou électronucléaires...). La
satisfaction des besoins en eau, à l'avenir et pour tous les usages, est
donc l'affaire de tous. La gestion de l’eau dans les hauts bassins
versants est un enjeu stratégique pour les montagnards mais aussi et
surtout pour populations et l'économie... des plaines ! Il est désormais
indispensable d'agir vite, si l'on veut que nos montagnes demeurent
"les châteaux d'eau de l’Europe". La fréquence et l’intensité des
inondations en automne, hiver et printemps, ainsi que des sécheresses
estivales vont singulièrement augmenter. Les changements climatiques
provoqueront également en montagne une forte érosion, des glissements de
terrains, une dégradation de la qualité des rivières et une
augmentation de la température de l’eau. La production hydroélectrique,
pourrait être réduite de -15 % ; le refroidissement des centrales
thermiques et nucléaires sera plus difficile ; la navigation fluviale
devra s’adapter, la compétition entre les usages de l’eau se fera plus
vive...
Le temps presse ; il faut dès maintenant identifier et
modéliser ces changements afin de mettre en place les actions concrètes
qui s’imposent d’urgence ! Le coût collectif de l’inaction serait
considérable. Il faut réagir au plus vite pour s’adapter avant qu’il ne
soit trop tard ! Lors des États généraux de l’Eau en Montagne des
expériences de terrain ont été présentées. Elles fonctionnent, donnent
des résultats et peuvent être reproduites. Beaucoup de solutions
existent déjà : il faut les diffuser et en développer la mise en œuvre.
La priorité est d’abord d’économiser l’eau et de faciliter les
recyclages : la recherche des fuites sur les réseaux d’eau potable, la
réutilisation des eaux usées épurées, la recharge des nappes, la
promotion des usages économes en eau doivent devenir des priorités. Il
faut ensuite repenser la gestion des eaux, des lacs et zones humides et
des sols de montagne, en tenant compte des contraintes stratégiques de
l’approvisionnement en eau des populations et des économies agricoles,
industrielles et touristiques des piémonts et des plaines en aval. Il
faut développer "une nouvelle culture du risque". Parmi les cas concrets
présentés lors des États généraux figurent : la gestion des eaux
pluviales et le contrôle de l'imperméabilisation des sols, dans le cadre
d'une politique globale d'aménagement à l'échelle des bassins versants,
afin de mieux contrôler le risques ; la protection des zones humides
sur les domaines skiables et les alpages, désormais conciliable avec le
développement des pratiques touristiques et agricoles ; le développement
de la micro-électricité sur les réseaux d'eau potable et d'eaux usées
des stations qui apparaît comme une alternative, sans compromettre la
continuité écologique des cours d'eau ; des pratiques concertées
d'agro-sylvo-pastoralisme permettent une meilleure rétention naturelle
de l’eau et la protection des captages d'eau potable... Il s’agit enfin
de mieux reconnaître le rôle des montagnes pour la collectivité dans son
ensemble de l’amont jusqu’à l’aval des fleuves, dans le cadre de
politiques intégrées des bassins. Les acteurs de la gestion de l’eau en
montagne doivent être en mesure de réaliser les aménagements et les
équipements intégrés nécessaires en amont, pour continuer à protéger
l’aval contre les risques et à fournir aux plaines de l’eau. Il faudra
pour cela renforcer les mécanismes institutionnels et financiers et les
réorienter vers ces nouvelles priorités, comme c’est le cas pour la
GEMAPI, gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations. La
planification doit se faire au niveau des bassins des grands fleuves et
reposer sur une forte coopération intersectorielle et aussi
internationale quand les bassins sont transfrontaliers.
Avec la
directive-cadre sur l’eau de 2000, et les directives qui lui sont liées,
l’Union Européenne, dispose de l’outil efficace pour mettre
concrètement en application ces stratégies d’adaptation. Elle exige
d’ailleurs des États membres qu’ils intègrent des mesures appropriées
dans les prochains Plans de gestion de bassin et programmes de mesures
2016-2021, puis 2021-2027.
Les participants à ces 4èmes États
généraux de l’Eau en Montagne ont décidé la création d’un Réseau des
acteurs de l’eau en montagne, permettant de pérenniser leurs travaux
entre deux conférences, d’échanger et de promouvoir ces bonnes
pratiques.