D’après
une étude publiée dans la revue Science, la moitié de l’eau présente
sur Terre serait peut-être plus vieille que notre planète et notre
Soleil ! Cette eau était alors déjà en suspension dans le nuage de gaz
et de poussières qui a donné naissance au système solaire. Cette
découverte est capitale puisqu’elle signifie que l’eau pourrait être
plus répandue que prévu dans l’univers, ce qui augmente les chances que
la vie ait pu se développer ailleurs que sur notre planète, relèvent les
chercheurs à l'origine de la découverte.
Pour retracer l’origine de
l’eau, les chercheurs ont surveillé la présence de deutérium dans
celle-ci. Le deutérium est un isotope de l’hydrogène issu du Big Bang et
représente 26 millionièmes de tous les atomes d’hydrogène. Mais cette
part est six fois plus importante dans l'eau retrouvée sur Terre et dans
le système solaire. D'après les chercheurs, cette concentration serait
liée à la formation d’eau dans des conditions très particulières : un
environnement extrêmement froid, quelques dizaines de Kelvins, avec la
présence d’oxygène et de radiations. Or, ces conditions se retrouvent
dans le milieu interstellaire. En revanche, selon la simulation
réalisée, cette eau chargée en deutérium ne peut pas se former dans un
disque protoplanétaire, c’est-à-dire la matière qui se condense autour
d’une étoile pour former les planètes, principalement parce que les
rayons cosmiques sont détournés par le champ magnétique de l’étoile
naissante. En clair, cela signifie que la présence de deutérium à la
concentration observée suggère que l'eau ne serait pas apparue ni
pendant la formation du système solaire, ni après. "Si le disque ne
peut pas le créer, cela signifie que nous devons avoir hérité ces glaces
interstellaires très enrichies en deutérium de l'environnement de
naissance du Soleil", a expliqué Ilsedore Cleeves, astrochimiste de
l'Université du Michigan et principal auteur de l'étude. D'après les
estimations des scientifiques, entre 10 et 50 % de l'eau présente dans
les océans sur Terre serait plus ancienne que le Soleil, soit vieille de
4,5 milliards d'années. Une théorie basée sur de "bons arguments"
mais qui reste à confirmer, a relevé Ewine van Dishoeck, un autre
astrochimiste du Leiden Observatory aux Pays-Bas. Si elle se confirme,
la découverte aurait toutefois de grandes implications. "Si l’eau des
débuts du système solaire provient principalement de la glace de
l’espace interstellaire, alors il est probable que de telles glaces,
ainsi que la matière organique prébiotique qu’elles contiennent, sont
abondantes dans la plupart, voire la totalité, des disques
protoplanétaires autour des étoiles en formation", explique Conel Alexander, co-auteur de l’étude. Mais "si
cette eau est plutôt le résultat de réactions chimiques localisées qui
se sont produites durant la naissance du soleil, alors l’abondance en
eau devrait varier considérablement lors de la formation des systèmes
planétaires. Cela influerait évidemment sur les chances d’apparition de
la vie ailleurs", a t-il précisé.