"Nous devons repenser radicalement notre façon de coopérer dans le
domaine de la science. (…) Aujourd’hui, la coopération scientifique ne
doit pas être un luxe et nous convenons tous que des solutions globales
aux problèmes les plus pressants concernant l’océan supposent une
recherche aussi large que possible", a déclaré Wendy Watson-Wright,
secrétaire exécutive de la Commission océanographique
intergouvernementale de l’UNESCO, au cours de la cérémonie de clôture de
la 2ème Conférence internationale sur la recherche océanographique qui
s’est déroulée en présence de Mike Roman, président de The Oceanography
Society ; Lisa Svensson, ambassadeur de la Suède pour l’océan, la mer et
l’eau douce ; Françoise Gaill, directeur de recherches au Centre
national de la recherche scientifique (France).
Aujourd’hui encore, un tiers des espèces marines n’ont pas été
identifiées. Beaucoup reste à aussi découvrir sur la capacité
d’adaptation des espèces marines au changement climatique, la
prolifération des micro-plastiques dans les organismes marins ou encore
la résilience des écosystèmes. Mais la science dispose d’ores et déjà
d’assez d’éléments pour mesurer l’ampleur des dégradations et l’urgence
d’agir. Ainsi des phénomènes tels que la prolifération des méduses, qui
se produisaient tous les quarante ans en moyenne au large des côtes
japonaises, connaissent désormais une fréquence quasi-annuelle. Les
conséquences très concrètes de l’acidification sur le développement des
coquillages, notamment des huîtres, sont désormais bien documentées.
Les progrès récents des sciences marines enregistrés doivent beaucoup
aux programmes scientifiques internationaux, à l’image du Système
mondial d’observation de l’océan (GOOS) ou encore du Projet de recherche
intégrée sur la bio-géochimie marine et l’écosystème (IMBER) pour
collecter des données et favoriser le partage des connaissances,
soulignèrent les participants. Les experts présents à la conférence ont
également plaidé pour une plus étroite coopération des scientifiques,
par-delà les disciplines et les spécialités. La contribution des
sciences humaines dans la compréhension et la perception de certains
phénomènes a ainsi été soulignée. Mais comment faire en sorte que les
résultats de travaux de recherche puissent se traduire par des décisions
politiques et une sensibilisation du grand public ? Plus que jamais les
scientifiques ont la responsabilité de sortir de leurs laboratoires et
de prendre part aux débats qui agitent la société, sont convenus les
participants. Car si certains phénomènes comme l’acidification de
l’océan progressent à un rythme accéléré, les mentalités, elles,
évoluent lentement.
Une des façons d’encourager le changement consiste à s’appuyer sur des
exemples de politiques réussies. Ainsi aux États-Unis, d’après les
données du Natural Resources Defense Council, dans 64 % des zones de
pêches surexploitées sont désormais, les stocks de poisson se sont
désormais reconstitués. La politique de conservation mise en œuvre, qui a
porté ses fruits, s’est traduite par une augmentation de revenus des
pêcheurs. Le renforcement des liens avec la société civile a également
été identifié comme un facteur positif de changement. À cet égard,
l’engagement de la Fundació Navegació Oceànica Barcelona, qui organise
la Barcelona World Race, pourrait servir d’exemple. Le 31 décembre,
cette course autour du monde en double sans escale, prendra le départ de
Barcelone. Les skippers ont accepté de déployer pendant la course des
bouées Argos qui permettront de collecter des données sur la salinité,
la température. Un des bateaux de la course, baptisé "One planet, One
ocean", effectuera également des mesures sur la présence de plastiques.
Mais la protection de l’océan passe aussi par une meilleure gouvernance.
Or aujourd’hui, ont relevé les participants, les organismes et
institutions (organisations internationales, ONG, comités,
associations…) chargés de la recherche, de la surveillance et de la
préservation de l’océan sont trop nombreux et trop dispersés pour
permettre une action concertée et efficace.
En absorbant près d’un quart des émissions de carbone rejetées dans
l’atmosphère par l’activité humaine, l’océan joue un rôle régulateur
déterminant dans le changement climatique. Pourtant, l’océan a occupé
jusqu’ici une place marginale dans les négociations internationales
relatives au climat, surtout concentrées sur les émissions terrestres de
CO2. Les scientifiques ont souligné la nécessité de changer cette
situation et faire en sorte que l’océan ait une place à la mesure de son
importance dans ces négociations, notamment en vue de la Conférence des
Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements
climatiques (COP 21) qui se tiendra à Paris en novembre 2015.