Zantié Dembélé, un agriculteur du village du Dempela, dans la région de Sikasso, a vu quatorze de ses proches intoxiqués après avoir consommé du mil traité aux pesticides. Au Mali, près de 200 personnes meurent chaque année d’intoxication et plusieurs milliers contractent des maladies dues à l’utilisation intensive de pesticides souvent périmés. L’économie malienne repose en grande partie sur sa production agricole. Si l’usage des pesticides est indispensable au bon développement du secteur et de l’économie en général, le pays est confronté à un problème de gestion de ses engrais périmés. On a ainsi recensé 580 tonnes de produits impropres à l’utilisation, dont certains datent de plusieurs décennies. La revente de ces produits est une activité lucrative pour des milliers de jeunes qui les distribuent sans connaître les mesures de sécurité et, souvent, l’origine de la marchandise. Près de 80 % de ces pesticides périmés sont utilisés dans la culture du coton, polluant les terres et les sources d’eau avec des conséquences dramatiques sur le bétail et la chaîne alimentaire. Les emballages de pesticides et les déchets résiduels se comptent en dizaines de tonnes sur l’ensemble du territoire malien. Les récipients ayant contenu des substances toxiques sont malheureusement réutilisés, notamment pour stocker l’eau.
Pour faire face à ce danger, le Mali et la Banque mondiale ont élaboré, dès 2007, une approche intégrée de gestion des stocks afin de prévenir leur accumulation, contrôler l’importation et homologuer les intrants chimiques. La formation d’agents phytosanitaires et la sensibilisation de la population aux risques sanitaires a complété cette initiative. Le Programme africain relatif aux stocks de pesticides obsolètes (PASP Mali) a mis en place un Comité national de gestion des pesticides et a permis d’éliminer 65 tonnes de produits périmés et déchets liés, d’identifier et de sécuriser une partie des stocks et de mener des opérations pilotes de dépollution. Forts de ces acquis, la Banque mondiale et le Mali ont mis sur pied en 2014 le nouveau Projet d’élimination des pesticides obsolètes (PEPPO Mali) avec l’appui du Fonds pour l’environnement mondial et du Danemark. Entre 2014 et 2018, il a permis d’éliminer 532 tonnes de pesticides périmés et déchets toxiques. Une étude environnementale a permis de localiser et recenser les lieux et le matériel contaminés. Une évaluation des risques pour la santé a aussi été menée autour des sites prioritaires de stockage des pesticides obsolètes. Pour prévenir l’accumulation de produits à péremption limitée et gérer les flux, le gouvernement collabore étroitement avec les différents opérateurs qui détiennent les stocks : "Nos stocks obsolètes ont été détruits", explique le docteur Ousmane Cissé, directeur la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT). "Dorénavant, les pesticides que nous utilisons sont recommandés par le comité sahélien et homologués, donc autorisés à la vente. Nous animons aussi régulièrement des sessions d’information avec les agriculteurs et incitons nos fournisseurs en phytosanitaires à y participer." Le projet a également élaboré un Plan national de prévention qui prend en compte tous les aspects du cycle de vie des pesticides et offre un cadre légal mieux adapté. Un vaste programme de formation a permis à tous les acteurs de la filière de se familiariser avec la législation en vigueur, la classification des produits, le traitement et la décontamination du matériel utilisé, mais aussi avec l’utilisation d’équipements de protection et le reconditionnement des emballages vides. "L’une des clés de sa réussite a été la sensibilisation de l’ensemble des utilisateurs aux dangers et aux bonnes pratiques dans l’utilisation et le reconditionnement de ces produits dangereux", souligne Maria Sarraf, responsable du pôle environnement de la BM pour l’Afrique de l’Ouest.
Extrait d’une bande dessinée réalisée par Katakata.org pour sensibiliser les agriculteurs et leur famille aux dangers des pesticides périmés.