19/02/2016
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Lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane

Des pistes scientifiques pour tracer les grains d’or

Est-il possible d’établir une carte d’identité des grains d’or pour en
caractériser voire en garantir la provenance géographique ? C’est la
question qu’a soulevée le WWF dans le cadre du programme Traçabilité
analytique de l'or (TAO) qu’il mène pour lutter contre l’orpaillage
illégal. Sur la base d’une trentaine d’échantillons d’or guyanais, le
Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a réalisé une étude
dont les résultats sont prometteurs. Ces derniers montrent notamment
qu’il est possible de distinguer l’or produit illégalement de celui issu
des mines déclarées.

Pourquoi une traçabilité de l’or ? Située sur un bouclier géologique
vieux de plus de 2 milliards d’années, la Guyane est riche en ressources
minérales. On estime son potentiel en or à un minimum de 200 tonnes sur
les sites en exploitation actuellement. Deux filières minières se
partagent aujourd’hui l’extraction aurifère : une filière officielle,
employant environ 500 personnes pour une production annuelle comprise
entre 1 et 2 tonnes, et un secteur illégal produisant environ 10 tonnes
par an grâce à une main d’œuvre majoritairement clandestine pouvant
compter jusqu’à 10 000 "garimpeiros". Alors que les activités minières
officielles sont encadrées et tentent de maîtriser leurs impacts
environnementaux, les pratiques des orpailleurs illégaux sont
particulièrement néfastes : destruction et pollution des cours d’eaux,
émissions de mercure, absence de réhabilitation des sites après
exploitation… Il est donc important de connaître l’origine de l’or
commercialisé, et notamment de distinguer son origine légale ou
illégale, afin de ne pas encourager le phénomène destructeur de
l’orpaillage illégal.  Mais une telle traçabilité de l’or est un
véritable défi : à l’heure actuelle, plus de 80 % des bijoutiers avouent
n’avoir aucune information sur les conditions d’extraction de l’or
qu’ils manipulent au quotidien. En outre, il existait jusqu’à maintenant
peu d’outils d’analyse pour déterminer l’origine du métal à partir de
ses propriétés physico-chimiques.

Comment caractériser un gisement par la chimie d’un grain d’or ? L’étude
menée par le BRGM est une première à l’échelle du continent
sud-américain. Elle a porté sur près de trente échantillons issus de
plusieurs sites géographiquement distincts, sur des gisements et des
produits de différents types. Le BRGM a eu recours a une palette de
méthodes d’analyses physico-chimiques, depuis les observations
microscopiques jusqu’aux analyses isotopiques les plus pointues, chaque
méthode apportant des indices complémentaires. Par recoupements, il est
possible de distinguer les différents sites d’exploitation et de définir
des districts, zones d’activités minières présentant des signatures
physico-chimiques particulières. Certains signaux subsistent même après
une première fonte de l’or, laissant entrevoir un potentiel de
traçabilité plus en aval des filières aurifères.

Les résultats de cette étude exploratoire sont prometteurs, comme le
montre le test proposé par WWF France sur des échantillons aveugles. À
côté des échantillons de provenance connue, cinq étaient fournis sans
indication sur leur origine. Le BRGM a pu retrouver avec succès les
provenances de ces cinq échantillons, sur la base de leur "carte
d’identité" physico-chimique. Il est donc possible de discriminer l’or
produit illégalement de celui issu des mines déclarées, en distinguant
efficacement le recours au mercure que seuls les orpailleurs clandestins
utilisent. Ces résultats laissent entrevoir des applications concrètes.
Les enquêtes judiciaires en matière d’orpaillage pourraient notamment
disposer d’un outil supplémentaire pour déterminer l’origine
d’échantillons saisis, tandis que les opérateurs miniers pourraient
valoriser leurs bonnes pratiques à l’aide d’une garantie d’origine
contrôlée.

WWF France